Voici l’interview d’Emmanuelle par le site Fille au Guidon :
« Elle s’appelle Emmanuelle Clément, elle est Française et vient d’être sacrée Championne du Monde de Side-car. De ses débuts en 2015 à son titre de 2022, cette talentueuse passagère qui force le respect de tous sur la piste vous raconte tout.
Fille Au Guidon : « Bonjour Emmanuelle, vous venez de remporter avec ton co-équipier, Tod Ellis, les Championnats du Monde de Side-car. Peux-tu nous raconter comment le side-car est arrivé dans ta vie ?
Emmanuelle Clément : « C’est une histoire de famille. Mes parents se sont connus dans le milieu de la course de côte moto et j’ai été baignée dans ce milieu depuis que je suis née. Mon père roulait et roule encore en moto (Yamaha TZ 250) puis mon frère s’y est mis aussi. On ne partait pas en vacances mais on partait plutôt avec le fourgon et la caravane en weekend course de cote…. j’ai vécu ça pendant 20 ans donc j’ai eu le temps de voir défiler des motos. Mes parents n’avaient pas assez de budget pour faire rouler mon frère et moi, du coup je prenais du plaisir à aller les voir rouler et à côté de ça je faisais de la gymnastique en compétition l’hiver. Lors des courses de côte, il y avait également une catégorie sidecar que j’ai toujours admirée car c’était quelque chose de différent et spectaculaire. Il y avait une passagère (Laetitia PetitJean) qui a été championne de France il me semble bien et à l’époque quand tu es gamine ça te marque tout ça.
En grandissant, j’avais de plus en plus envie de vivre cette passion pour la moto et le sidecar. On voyageait à travers l’Europe (pour le Championnat d’Europe de Course de côte) et la France. On se fait plein de connaissances ainsi, et surtout dans ce milieu là qui est comme une grande famille. En 2015, le Champion de France de course de côte Side-car, qui est un très bon ami (Olivier Dichamp) me dit “ Si tu veux à la course de cote de Villers sous Chalamont, tu feras les essais libres avec moi”. Moi, j ai bien sûr accepté car j’avais trop envie d’essayer le side-car. Stressée bien entendu mais trop heureuse et tout s’est bien passé. »
Fille Au Guidon : « Comment décrirais-tu cette première expérience ? »
Emmanuelle Clément: « Les premières impressions je dirais qu’il ne faut surtout pas lâcher les poignées. La force centrifuge est énorme surtout si tu n’es pas au bon endroit au bon moment. L’impression de vitesse aussi car tu es au ras du sol… bref j’ai plus qu’adoré et, à peine la course finie, je voulais déjà recommencer. A cette époque j’avais 19 ans et pour s’initier j’ai juste demandé conseils à des passagers que je connaissais en course de côte. »
Fille Au Guidon : « Tu démarre donc le side-car en 2015, nous sommes en 2022 et tu es Championne du Monde, comment en es-tu arrivée là? »
Emmanuelle Clément : « Après 2015, un pilote (Jerome Autajon) faisant la saison de course de côte n’avait pas de passager pour 2016. Du coup, première demande de ma carrière et j’ai accepté. On a finit 3ème du Championnat de France de course de côte. Par la suite j’ai rencontré (en fréquentant les circuits, endurance moto,..etc) un passager (Kevin Rousseau), Champion de France Sidecar Superbike. Il est devenu mon petit ami pendant 5ans. Il roulait avec Sébastien Delannoy, multiple Champion de France de side-car. A l’époque,en 2017, Kevin participait au Championnat de France et au Mondial mais avec un autre pilote. Suite à un clash de dates j’ai dû le remplacer sur une course de championnat de France à Pau Arnos.
Ensuite, malheureusement, lors de la première course de Championnat de France à Nogaro, Sébastien et Kevin se sont crashés et Kevin s’est cassé le poignet. J’ai donc dû sauter dans le panier plutot que prévu. Ce même weekend j’ai remporté mes deux premières courses avec Sébastien. Et ainsi de suite, en remportant des courses, des pilotes te demandent pour être leur passagère et tu évolues.
En 2021, je devais rouler avec Bennie Streuer (Champion du Monde 2015), nos premiers essais se sont très bien déroulés mais lors d’un test en Allemagne nous nous sommes crashés à environ 200km/h en ligne droite, une pièce à cassée à l’avant et avons pris le mur de coté. Moi je me suis éjectée du sidecar en faisant pleins de roulés boulés et sans blessures, malheureusement mon pilote, lui, c’était cassé deux vertèbres. Du coup le début de saison pour nous allait être bien repoussé. Le Mondial attaque toujours au Mans en même temps que les 24h motos. Mais en 2021 en raison du Covid, ils avaient repoussé l’évènement au mois de juin; toujours pas bon pour nous puisque Bennie ne serait pas rétablis avant Juillet.
Suite à la situation sanitaire, pour être en règle, les anglais devaient venir une semaine avant la course du Mans aux alentours du circuit afin de s’isoler. C’était la première saison de Todd Ellis. Todd est anglais et a 28 ans. Il a commencé le sidecar en 2017 et est très vite devenu Champion d’Angleterre, un pure talent. On s’est connu en 2020 sur une course en Allemagne, il avait un autre passager (Charlie Richardson) à l’époque et moi je roulais avec un autre pilote (Pekka Paivarinta, finlandais, 5 fois champion du Monde)en Championnat du Monde. Il tenait absolument à être Au Mans pour la première course de la saison. Il ne voulait certainement pas rater ça. Malheureusement, son passager ne pouvait pas venir aussi tôt au Mans et donc ne pouvait participer pas à la course. Comme j’étais disponible et que je vivais au Mans à l’époque avec Kevin, Todd m’a demandé en urgence si je voulais rouler avec lui. J’étais pas chaude chaude car je ne le connaissais pas trop et j’avais jamais roulé avec lui, mais un autre pilote m’a poussé à accepter.
Arrivés au circuit, nous avions des essais privés le mercredi et Todd voulait d’entrée de jeu parcourir la distance de la course pour savoir si cela allait aller. Revenus de la séance,…. j’avais le sourire jusqu’aux oreilles et j’avais envie d’une seule chose… y retourner.
Après toutes ces années, j’avais enfin trouvé MON PILOTE. En plus de cela, le weekend a été plus que parfait puisque nous décrochons nos deux premiers podiums de mondial en finissant troisièmes et seconds. A la fin du weekend, Todd vient me voir et me demande “ Tu fais quoi en 2022, as tu un contrat avec quelqu’un, ou tu serais prête à faire la saison avec moi” et là, ni une ni deux, je lui dis que je veux absolument faire la saison 2022 avec lui et le pacte est signé par une poignée de mains….mais la question suivante était, est ce que son passager va pouvoir faire le reste de la saison 2021 et moi est ce que je vais vouloir continuer avec Bennie?
Course suivante en Hongrie, j’étais présente pour aider Kevin et son pilote, mais je n’attendais qu’une chose c’était de pouvoir rouler. Après les essais libres, le passager de Todd n’était pas en capacité de faire la distance de la course, du coup Todd est venu me demander si je voulais finir le weekend avec et lui mais également la saison 2021.., ce fut un grand OUI !!! Bennie a pu retrouver un passager pour faire la saison et Todd et moi avons fini 2021 en Vice Champions du Monde…. TOP Voila notre belle rencontre….La vie est tellement belle et pleine de surprises, une saison mal commencée pour moi mais pour mieux se finir.
Lorsque nous avons commencé ensemble avec Todd en 2021, on s’était dit: cette année on apprend et l’année prochaine on gagne. Tout au long de 2021 nous avons appris de nos concurrents, ce qui nous manquait pour réussir et nous avons donc travaillé tous les weekends d’hiver et également en semaine pour améliorer tout ça et dès les premiers tests en mars en 2022, nous nous sentions confortable sur le sidecar.
Puis dès que la saison 2022 a commencé, ce fut un travail sans relâche car l’on va de course en course, il faut préparer la machine pour être sûr de la fiabilité, tout vérifier,… plus tout ce qui va avec, l’organisation des trajets à travers l’Europe, conduire le fourgon, faire la mécanique ensemble, au final on est presque 24h sur 24 ensemble donc il faut bien s’entendre. Après tellement d’efforts et de travail, la dernière course de l’année est la plus stressante car on devient paranoïaque et on vérifie tout de A a Z…. tout se passe bien comme tout long de l’année et le Titre de Champion du Monde 2022 est à nous!!
Un titre, C’est un travail constant, pas de vacances, tous nos weekends sont dédiés au sidecar, je m’entraine physiquement presque tous les jours pour rester en forme sur le sidecar; et après l’obtention du titre, nous avons juste pris une semaine tranquile et c’est reparti à fond dans la preparation 2023. Le sidecar est en pièces, on essaye de l’optimiser encore plus car il y a encore beaucoup à faire, puis la recherche de sponsors, l’organisation de remerciements… etc ça n’en finit jamais mais c’est ce que l’on aime aussi. C’est plus qu’une Passion.
Fille Au Guidon : « N’as-tu jamais eu envie de devenir pilote de side-car? »
Emmanuelle Clément : « J’ai essayé de piloter une fois mais juste sur une journée roulage. C’était assez drôle, spécial mais très intéressant, du fait que le sélecteur est à droite et que tu n’as qu’une pédale de frein àgauche pour contrôler les trois roues. Et le gabarit aussi, pas évident à savoir où il faut mettre tes roues… J’aimerais essayer de piloter à nouveau mais j’adore être passagère, la prise de risque et le fait de bouger et faire bouger le sidecar.
Mon pilote, c’est lui qui contrôle. Il dirige le sidecar, prend les trajectoires, ouvre les gaz et freines quand il veut. Pour lui c’est presque comme s’il conduisait une moto mais à genoux. Moi mon rôle c’est de faire tourner le sidecar à grande vitesse, répartir mon poids de façon à mettre du grip, mettre le centre de gravité le plus bas possible pour plus d’adhérence mais également de bouger au bon moment pour faire tourner de façon la plus efficace possible le sidecar. L’importance du duo est que l’on ne peut pas se parler quand on est sur le sidecar. Donc moi il faut que je sois dans sa tête, anticiper en pensant à ce que lui pourrait penser au moment de doubler ou d’autres actions et lui il faut qu’il gère sa course en m’oubliant, c’est la meilleure façon pour un pilote d’être à 100% concentré dans la course. Un bon passager ne doit pas se faire sentir. C’est beaucoup de confiance mais aussi d’échanges en dehors de la piste. Quand on fait de la mécanique, on est également à 100% et on communique beaucoup sur ce que l’on pourrait améliorer. »
Fille Au Guidon : « Imagines-tu rouler maintenant avec quelqu’un d autre ? »
Emmanuelle Clément : « Au jour d’aujourd’hui, Todd et moi sommes ensemble sur le sidecar mais également dans la vie privée. Tout fonctionne parfaitement et notre duo est solide. Je ne me vois absolument pas rouler avec quelqu’un d’autre, j’adore son pilotage, c’est un pur talent, et toute notre cohésion, ce que l’on a construit ensemble, notre histoire…je veux que l’on continue de l’écrire ensemble. C’est MON PILOTE 🙂
Fille Au Guidon : Et si ce pilote était une femme ? »
Emmanuelle Clément : « ‘Pourquoi pas, tant que l’on a pas essayé on ne peut pas savoir. Il est très rare de trouver des femmes pilotes, l’une des meilleures pour moi est Estelle Leblond, elle a fait le Tourist Trophy plusieurs fois et finit dans le top 15 facile. Il serait top d’avoir plus de femmes pilotes, dans le side-car. Ça a toujours éte un sport d’hommes et pas des plus jeunes, il faut être une battante. Personne ne fait de cadeaux donc pour piloter un sidecar et aller au contact il en faut dans la culotte. J’ai appris beaucoup dans ce sport au cours des années, pour se faire sa place il faut être très respectueux mais également prouver qu’une femme peut également le faire. Les pilotes sont agressifs sur la piste et prêts à ne rien lacher. Homme ou femme, il faut se battre jusqu’au bout, la argne, la rage de battre les autres pilotes et montrer qui est le meilleur. »
Fille Au Guidon : « Quels conseils donnerais-tu aux filles qui veulent découvrir cette discipline ? »
Emmanuelle Clément : « Pour découvrir le sidecar, l’idéal c’est d’être plongé dedans (amis, famille,..) sinon, il faut se rendre sur les journées roulages sidecar. Il y en a très peu mais c’est là que vous allez découvrir le mieux et rencontrer des personnes qui vont pouvoir vous aider. Ou encore aller voir carrément des compétitions en France pour se rendre compte du déroulement d’une vaie course. Il n’y a pas d’école de sidecar, c’est beaucoup de bouche à oreille ou de rencontres qui font les occasions. Il ne faut donc pas hésiter à contacter les personnes si c’est quelque chose que vous voulez vraiment essayer. »
Fille Au Guidon : « Quels sont vos projets pour 2023 ? »
Emmanuelle Clément : » 2023.. on y est déjà, on faisait partis du Team Santander Salt mené par Roger Body (Team anglais) qui était également le promoteur du Championnat du Monde, malheureusement il a decidé de se retirer du Championnat et également de cloturer le team. Nos projets sont donc de refaire le Mondial et défendre notre titre face à la rude concurrence, de faire quelques courses en Angleterre et aussi sur route tel qu’Imatra en Finlande. Il nous faut donc pour cela trouver le budget, donc les sponsors et continuer notre travail sans relâche pour pouvoir monter notre propre structure. »
Un grand merci à toi Emmanuelle pour cet interview. Nous vous souhaitons à tous les deux de trouver bien vite vos sponsors 2023 et un max de bonheur sur la piste et le reste. »